
Le bouc émissaire
Il y a le sacrifice héroïque de tous ceux qui sont prêts à perdre la vie pour aider les autres, en particulier le personnel soignant. Et, à côté de ce sacrifice de soi, resurgissent les vieux réflexes qui consistent à sacrifier l’autre, le bouc émissaire, qui va porter le fardeau d’une société déboussolée. L’expression du bouc émissaire trouve son origine dans une pratique ancestrale de sacrifice animal, le rite d’expiation, décrit dans le Lévitique. Selon certains modèles de psychologie sociale, les individus ont besoin de maintenir un certain contrôle perçu sur leur environnement. Lorsque ce sentiment de contrôle est attaqué par un événement imprévu et d’origine inconnue ou extrêmement complexe (comme une épidémie ou une récession par exemple), les individus doivent trouver des stratégies de défense contre cette attaque. Mais c’est l’anthropologue et philosophe René Girard qui a le mieux analysé ce mécanisme collectif : les sociétés qui sont en prise à une violence mimétique, quelle qu’en soit la source, ont besoin de faire porter le poids de cette violence sur certains groupes ou individus qui vivent en leur sein, de préférence « pas tout à fait les mêmes, pas tout à fait autres ». La désignation d’un coupable a toujours soulagé les peuples, permettant aux sociétés de rétablir l’ordre et de se justifier en s’exonérant de leurs propres fautes. Le bouc émissaire joue alors le rôle de victime réconciliatrice. Pour Donald Trump, dont l’aversion à écouter l’avis des experts et l’entêtement à préserver l’économie américaine ont conduit à déplacer l’épicentre de l’épidémie vers les […]
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