Suis-je aussi ce que j’aurais pu être ?
Deux frères sont séparés à la naissance. Thibault, élevé dans une famille aisée, devient un chef d’orchestre renommé ; Jimmy, adopté par une famille modeste du nord de la France, joue du trombone dans une harmonie le dimanche. Le film En fanfare, d’Emmanuel Courcol, sorti en salles mercredi dernier, propose une expérience de pensée stimulante : si chacun avait eu au départ le destin de l’autre, que se serait-il passé ? La question est de savoir si Thibault (Benjamin Lavernhe) serait devenu comme Jimmy (Pierre Lottin), soit un ouvrier ch’ti un peu brut de décoffrage ; et inversement, si Jimmy serait devenu un chef d’orchestre coincé, s’il avait connu un autre sort. Ce film pose une question, plus existentielle et passionnante que celle du transfuge de classe, celle de l’identité en général. Chaque personnage se rend compte qu’il aurait pu devenir une tout autre personne, et s’en trouve bouleversé. “Suis-je aussi ce que j’aurais pu être ?” Cette question, à première vue absurde, est pour le moins déroutante. Le conditionnel passé du “j’aurais pu” signale que je ne suis pas autre chose que ce que je suis maintenant. Un élément ne s’est pas produit qui a fait que “ce que j’aurais pu être” n’est pas advenu. C’est le propre de ce que l’on appelle les raisonnements contrefactuels : on devise à partir d’une condition abstraite, et l’on en tire une conséquence logiquement vraie quoique non attestée dans les faits. Par exemple, “si j’avais appris à faire du bateau, j’aurais pu participer au Vendée Globe” : dans cette vision des choses, […]
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