#5 – COMPRENDRE N’EST PAS PRÉVOIR
Paradoxalement, nous aurons mis un certain temps à prendre conscience de l’ampleur de la menace que fait peser le coronavirus sur nos sociétés. Pour Olivier Sibony, qui enseigne la stratégie à HEC, ce retard tient à notre difficulté à appréhender des phénomènes nouveaux et aux nombreux biais cognitifs que nous développons quand ceux-ci se présentent, en particulier quand la situation charrie avec elle un certain nombre de risques. Biais de modèle mental, ou raisonnement par analogie avec des événements connus. Contrairement aux pays d’Asie, nous n’avons pas la mémoire de l’épidémie de SRAS de 2003. Incompréhension de la croissance exponentielle ; notre lecture intuitive des chiffres conduit à prolonger les droites, pas les exponentielles, encore plus quand la croissance exponentielle s’accompagne d’un effet retard dû à la période d’incubation du COVID. Biais d’endogroupe (ingroup bias), qui nous conduit, face à une menace, à nous replier sur nous-mêmes, d’où la demande populaire immédiate de fermeture des frontières. Enfin, quatrième biais, qui vient renforcer les précédents : la pensée moutonnière : tous ces gens qui s’agglutinent aux terrasses ne peuvent pas être fous… Nos dirigeants pouvaient-ils accélérer cette prise de conscience et agir plus vite ? En démocratie, il est hélas inévitable que des mesures « top-down » de lutte contre une épidémie soient en retard sur celle-ci. Qu’en est-il, alors, des mesures « bottom-up », à l’initiative de la société civile ? En France, le réflexe dominant a été d’attendre l’apparition télévisée du président de la République… Mais comprendre n’est pas prévoir. A posteriori, bien sûr, on pourra expliquer l’erreur par tel ou tel biais. Pourtant, la connaissance de ces biais ne permet pas de prévoir dans […]
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