Le brouillard de la guerre
Combien de temps durera la pandémie de Covid-19 ? À cette question, et à beaucoup d’autres qui ont un impact décisif sur le cours de nos vies et la marche de nos affaires, nous n’avons pas de réponses. Comment, dans ces conditions, envisager l’avenir, prendre des décisions, faire des plans ? La question est vieille comme la stratégie militaire, qui fait une large place au brouillard de la guerre, à l’imprévisible. Pourtant, selon Olivier Sibony, professeur de stratégie à HEC, nos rituels de management semblent, pour l’essentiel, inchangés. Prévisions et objectifs, plans stratégiques et budgets, hiérarchies et délégations de responsabilité, mesures de performance : les piliers de nos organisations sont immuables.
Cette inertie a des causes multiples, et parfois légitimes. L’expérience d’Ellsberg (ou Paradoxe d’Ellsberg) démontre que nos choix peuvent être incohérents et par là notre aversion à l’incertitude. C’est la première raison de l’obstination avec laquelle nous remettons sur le métier des plans déterministes et précis : croire (ou faire semblant de croire) que l’avenir est prévisible et le risque quantifiable, ça nous rassure. À cette raison s’en ajoute une autre : comment le chef conserve-t-il son autorité s’il avoue qu’il ne sait pas de quoi demain sera fait ? Pour le dirigeant, l’inconnu est une source d’inquiétude en lui-même, mais aussi une remise en cause de son statut. Accepter l’incertitude, c’est donc se réconcilier avec deux évidences : quand personne ne peut prévoir l’avenir, accepter qu’on en est soi-même incapable est un signe de lucidité, pas d’incompétence. Et partager ce constat est la marque d’un leader réellement sûr de lui, pas celle d’un chef hésitant. Alors, quels outils utiliser, en pratique, pour gérer l’incertitude ?
Premièrement, faire des scénarios, pas des plans : dès lors qu’on est capable d’imaginer plusieurs scénarios, on peut se protéger contre le tail risk, le scénario à faible probabilité mais à effet dévastateur.
Ensuite, agir sans attendre, même dans le brouillard : une fois qu’on dispose de scénarios dont on sait évaluer (qualitativement) la probabilité d’occurrence, on peut aussi mettre en œuvre sans attendre des actions stratégiques sûres, utiles dans tous les scénarios envisagés. La pire des stratégies, dans un climat de grande volatilité, c’est wait and see.
Enfin, encourager l’improvisation : le leader encourage la première ligne à prendre les initiatives nécessaires pour atteindre le but fixé – ce qu’on appelle en stratégie militaire le commander’s intent – et rassurer les combattants sur le fait que, tant qu’ils respectent les principes et les valeurs de l’organisation, ils seront couverts.
Envisager des scénarios radicalement différents, lancer sans attendre un portefeuille d’actions stratégiques qui leur correspondent, apprendre à improviser : ce sont trois idées simples pour adapter nos modes de réflexion stratégique à l’incertitude. Chaque dirigeant devra, bien sûr, les ajuster à ses propres circonstances. Mais leur logique est là pour durer… comme l’incertitude.
2 séminaires pour approfondir :
Prospérez dans l’incertitude !
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