#7 – LE CORONAVIRUS AURA-T-IL RAISON DE NOTRE MODERNITÉ ?
Malgré les risques qu’elle fait peser sur l’économie mondiale, il semble n’y avoir qu’une seule politique valable face à la pandémie de coronavirus : celle du confinement. Peut-être n’est-elle, d’ailleurs, pas vraiment la seule. Mais pourquoi la perspective de devoir rester cloîtrés nous angoisse-t-elle tant ? Et suffira-t-elle à nous faire prendre la mesure de la menace qui pèse sur notre civilisation ?
Si l’idée même d’être assignés à résidence nous est insupportable, c’est aussi parce qu’elle est radicalement contraire à notre vision de la modernité. Comme le note Peter SLOTERDIJK, philosophe allemand (La Mobilisation infinie), celle-ci implique une liberté de mouvement, dans une « utopie cinétique » qui consiste à « mobiliser » toutes nos forces pour les mettre au service de notre idéal de progrès.
Comme dans toute crise, les optimistes trouveront des raisons de se réjouir de la réduction des émissions polluantes, ou d’être libérés temporairement de cet impératif de productivité collective et de progression personnelle. N’en déplaise aux paresseux : la mise au repos sera de courte durée. Malgré les peurs qu’elle suscite, il est improbable que l’épidémie se propage au point de décimer l’humanité, et pas certain qu’elle provoque la crise économique sans précédent qu’elle a fait craindre ces dernières semaines.
En revanche, nous ferions mieux de redouter que cette rapide montée d’adrénaline retombe comme un soufflé, et nous fasse perdre de vue l’essentiel, à savoir les leçons à tirer. Le coronavirus sera-t-il de ces catastrophes dont on ne mesure précisément la portée que pour écarter la gravité de l’avertissement qu’il nous donne ? Se contentera-t-on de petits gestes, ou bien se donnera-t-on collectivement les moyens de combattre l’une des plus graves menaces qui pèserait sur l’humanité mondialisée, quitte à remettre en cause notre modèle de société productiviste ?