#11 – LE COVID-19, UN TOURNANT ÉCOLOGIQUE ?
Selon l’anthropologue Vincent Mignerot, après la pandémie, il est possible que nous assistions à un changement culturel profond, mais aux antipodes de ce qui serait souhaitable pour la protection de notre écosystème.
Tel que nous l’enseigne l’anthropologie, le rapport des êtres humains à leur milieu est fondamentalement défiant. Dans la Genèse, Adam et Ève ont fauté, mais ils reportent leur responsabilité sur le serpent. L’épidémie du Covid-19, c’est aussi à l’origine une histoire de confiance en la nature qui se termine mal. En Chine, si l’on consomme des animaux sauvages comme le pangolin, c’est afin de s’alimenter mais aussi pour capter leurs forces et se protéger des maladies. La diffusion du virus, c’est donc un message perverti. Une humanité qui aura cru en la bonté de la nature se sera sentie trahie, et pourra inconsciemment envisager de se venger d’elle, en l’asservissant plus encore.
Par ailleurs, on pourrait penser que si nous sommes capables, en situation de danger et d’urgence, de nous mobiliser et de changer rapidement notre mode de vie, voire de décroître, nous pourrions faire de même contre le réchauffement climatique. L’histoire nous enseigne plutôt que les collectivités humaines se fédèrent et mobilisent des moyens considérables quand elles sont menacées par un danger extérieur, et c’est le cas pour le Covid-19. Mais en ce qui concerne le réchauffement climatique, le danger – à savoir les émissions de gaz à effet de serre – est interne. Il faudrait que la civilisation industrielle se mobilise contre elle-même, dans une baisse de la performance de nos économies… Cela paraît irréaliste et contradictoire.
Enfin, et les collapsologues et les décroissants refusent de le voir, il n’est pas envisageable aujourd’hui de changer de modèle en assurant une continuité au confort des classes populaires. Dans le contexte actuel, si l’on produisait moins de richesses, non seulement ce confort régresserait, ce qui serait un facteur d’accroissement des inégalités, mais en plus la compétition entre pays fait que la première nation qui quittera la course de la mondialisation risque fort d’être vassalisée par les autres puissances. Par exemple, si l’Europe ralentit, la Chine la fera rapidement tomber sous sa coupe.
Si, pour l’homme, la crise est sanitaire, pour la Nature, sera-t-elle salutaire ?